La compagnie aérienne Emirates de nos jours

La croissance d' Emirates se poursuit dans les années suivantes. Les spécialistes du trafic aérien soulignent même qu'Emirates est la compagnie internationale à plus forte croissance dans le monde. Ce dynamisme de la compagnie est d'autant plus méritoire que son déploiement se poursuit en dépit de la guerre du Golfe. Ce conflit, à cheval sur 1990 et 1991, est consécutif à l'invasion du Koweït par l'Irak qui le revendique en tant que province naturelle. Il va de soi que ce sont les immenses ressources pétrolières du petit émirat qui sont visées par cette tentative d'annexion. Une large coalition vole au secours du Koweït mais, durant cette période de conflit ouvert, l'économie de la région est bouleversée. Néanmoins, Emirates bénéficie paradoxalement de la conjoncture dans la mesure où les autres compagnies aériennes internationales sont absentes du ciel régional pendant la guerre. Il en résulte que dans le début des années 1990 Emirates peut se targuer d'un insolent et spectaculaire accroissement de ses profits à concurrence de 100 millions de dollars de plus par an. Aussi, afin de se rapprocher des toutes premières compagnies en mondialisant son réseau, Emirates décide-t-elle, à la fin de 1993, d'engager un accord de partenariat avec US Airways qui lui ouvre de nouvelles voies. L'exercice comptable qui se termine avec le premier trimestre 1994 laisse apparaître un chiffre d'affaires de 643 millions de dollars et la direction affiche fièrement que Emirates compte, à cette date, 4000 salariés, couvre 34 destinations, a transporté 2 millions de passagers sur les 12 derniers mois et possède une flotte de 18 appareils Airbus tandis que 7 Boeing 777 sont en commande. Bientôt, une nouvelle ligne Dubaï - Singapour - Melbourne est mise en service, concrétisant l'arrivée d'Emirates sur le 5ème continent. Parallèlement à l'expansion du nombre de passagers transportés, l'activité cargo croît et représente alors 16% du total du chiffre d'affaires d'Emirates. Mai 1998 marque l'entrée d'Emirates dans le capital de SriLankan Airlines (l'ancienne Air lanka) à hauteur de 40%. L'accord est assorti d'une clause confiant pour 10 ans la gestion de SriLankan à Emirates.

À partir des années 2000, la politique d'Emirates est de conquérir les destinations lointaines par vol direct. Sont essentiellement visés les côtes est et ouest des États-Unis, l'Australie et l'Argentine. C'est en 2005 qu'Emirates se pose, sans escale, à Kennedy Airport à New York. Cependant, l'Asie reste la priorité d'Emirates et elle est la principale compagnie étrangère opérant en Inde. Par le maillage de son réseau de lignes, Emirates permet aux passagers de se rendre d'Amérique en Asie sans passer par les traditionnels grands aéroports européens, qu'il s'agisse de Londres, de Paris ou de Francfort. Simultanément, Emirates se positionne en concurrente des compagnies British Airways, Cathay Pacific, Singapore Airlines et Thaï Airways sur la fameuse « route du kangourou », ligne réputée d'une forte rentabilité reliant Londres à Sydney.

Dès l'année 2000, la compagnie s'était positionnée en client ferme vis-à-vis du constructeur du plus grand avion jamais proposé sur le marché : l'Airbus de la série 380. Après avoir été fourni de 5 exemplaires, la compagnie avait pris une option sur 15 autres appareils du même type, l'intérêt majeur de ces avions étant leur contenance (pouvant aller jusqu'à 656 passagers) qui évitait de saturer les aéroports internationaux déjà soumis à un encombrement en augmentation. Mais un imprévu contrarie les schémas d'expansion initialement prévus par Emirates. EADS, le constructeur d'Airbus, annonce à 3 reprises que la mise en service est reportée. Emirates est contrainte de se tourner vers Boeing et lui commande 42 appareils du modèle 777. Toutefois, en dépit du préjudice subi par Emirates, celle-ci, moyennant une lourde compensation de 110 millions de dollars que paiera Airbus, maintient son achat auprès du constructeur européen car cet avion correspond exactement aux besoins avec son autonomie de plus de 15000 km sans escale. Le conflit financier s'achève avec la livraison quoique tardive des appareils en 2008.

Emirates conquiert à cette époque un statut de compagnie d'envergure mondiale malgré les soupçons de favoritisme dont la concurrence se fait l'écho. En effet, outre l'avantage considérable d'être une compagnie ressortissante d'un pays producteur de pétrole, ce qui lui permet de s'approvisionner en carburant à des tarifs infiniment inférieurs à ceux pratiqués sur le marché international, les rapports étroits entre les autorités de l'aéroport de Dubaï et Emirates sont jugés discriminatoires par les compagnies étrangères opérant sur le marché. Cependant, dans la foulée, un terminal spécifique - dit N° 3 - est construit à Dubaï au seul usage d'Emirates. Le terminal 3 constitue à ce jour le plus vaste bâtiment du monde en termes de surface occupée au sol (1,5 millions de m2), sa capacité est de 27 millions de passagers qui deviendront 43 millions lorsque l'extension en cours sera achevée. Cette extension sera réservée aux seuls Airbus A380-800 et sera opérationnelle en 2011. À ce gigantisme, s'ajoute une diversification des activités d'Emirates incluant la fonction de tour opérateur, les services aéroportuaires, la restauration et l'hôtellerie sans oublier le développement de l'activité cargo.

Actuellement, Emirates, en tant que compagnie, emploie 28000 personnes tandis que sa société mère (Emirates Group) en occupe 48000. Elle est classée parmi les 7 premières compagnies mondiales, sa place variant en fonction des critères retenus et est largement rentable contrairement à ses concurrentes directes minées par la survenance du low cost. Afin de se démarquer de la concurrence, Emirates se focalise sur le confort et l'avant-garde technologique dans la perspective de l'épuisement pétrolier à moyen terme qui obligera les pays du golfe à se reconvertir dans le tourisme haut de gamme. C'est dans cet esprit qu'ont été construits la tour Burj Dubaï, la plus haute du monde (828 m), et les 2 îles artificielles touristiques Palm Dubaï. La croissance exceptionnelle de cette compagnie la conduit à concurrencer les mieux établies bien que certaines prétendent que le soutien inconditionnel des fortunes de l'État masque une situation peu être moins florissante qu'il n'y paraît.