Histoire de la compagnie Royal Air Maroc
Les premières années de Royal Air Maroc
La compagnie nationale marocaine Royal Air Maroc est née le 28 juin 1957. À cette époque, le Maroc vient d'obtenir son indépendance (7 mars 1956) après la longue période de protectorat français sur le pays, le souverain Mohammed V ayant négocié l'année précédente le retrait de l'administration française. Cet acte d'indépendance s'accompagne, sur le plan industriel, d'une fusion entre deux compagnies locales : Air Atlas et Air Maroc. De fait, les structures embryonnaires de la compagnie existaient sous le nom de Compagnie Chérifienne des Transports Aériens depuis 1953, mais les tensions politiques dues au mouvement d'indépendance avaient empêché la question aéronautique d'être au centre des préoccupations des dirigeants du pays. Le nom, finalement retenu, de Royal Air Maroc, n'avait été adopté qu'après l'indépendance, en 1957, quand la compagnie avait pris une dimension internationale.
À l'origine, les vols purement court-courriers s'effectuaient sur des appareils allemands Junkers Ju-52, un trimoteur en tôle ondulée qui, avait fait ses preuves durant la deuxième guerre mondiale dans sa version militaire. Réputé pour sa robustesse - qui lui vaudra une longévité exceptionnelle puisqu'en service des années 1930 à 1980 sur diverses compagnies -, il sera néanmoins rapidement remplacé, dès la fondation de Royal Air Maroc, par le Douglas DC-3 (aussi appelé Dakota C-47), avion bimoteur, lui aussi robuste, et le Lockheed Constellation, quadrimoteur de conception américaine plus spécifiquement destiné aux vols longue distance.
Le siège de la nouvelle compagnie est établi à Casablanca, capitale économique du pays avec ses 3 millions d'habitants, précisément dans le vieil aéroport de Casa Anfa. Casablanca est désormais la ville mère de la compagnie où elle installera son « hub » (terme anglo-saxon désignant la plaque tournante de l'activité d'une compagnie aérienne). Dès son année de fondation, Royal Air Maroc - dont les rênes ont été confiées à Driss Cherradi, son premier président - affirme sa vocation à desservir en priorité l'Afrique du Nord et le Moyen Orient, ce qui se concrétise par un accord de 1958 donnant monopole à Royal Air Maroc d'acheminer par voie aérienne les pèlerins de Casablanca à Djeddah, port d'Arabie Saoudite d'un million d'habitants sur la Mer Rouge et plus proche aéroport des lieux saints de La Mecque. Ces vols spéciaux transporteront 1300 candidats au pèlerinage dès la première campagne. Prévoyant sur le long terme, Driss Cherradi crée un centre de formation professionnelle dont la première promotion de techniciens aéronautiques sortira en 1961.
L'époque des avions à réaction
Après les années de mise en place, vient une seconde période : l'époque des avions à réaction. Royal Air Maroc est parmi les premières compagnies à se doter de la toute nouvelle Caravelle. Cet appareil, révolutionnaire pour ce tout début de la décennie 1960, avait été mis au point dans les usines de Sud-Aviation et testé par la scandinave Scandinavian Airlines System. La compagnie nationale Air France avait, elle, inauguré une première ligne régulière avec cet avion en 1959. Ce modèle, de son véritable nom « SE 210 Caravelle », se caractérise par une silhouette particulière due au positionnement de ses deux réacteurs sur la partie arrière de son fuselage. Ses qualités sont un silence exceptionnel et une automatisation poussée qui lui permet de décoller et d'atterrir sans visibilité par pilotage entièrement automatique. D'ailleurs, la compagnie Air Inter aura l'occasion de procéder à ce type d'atterrissage, sans intervention des pilotes, autrement qu'en démonstration un jour de mauvais temps avec 51 passagers à bord. La Caravelle équipera essentiellement les compagnies opérant sur l'Europe et le Maghreb car le modèle, différemment motorisé, sera boudé par le marché américain à l'exception notable de United Airlines qui en achètera quelques exemplaires. La Vème République Française naissante en fera l'appareil des voyages officiels de son premier président : le général De Gaulle. Quant à Royal Air Maroc, elle utilisera cet avion essentiellement sur ses lignes entre Casablanca et l'Europe et, plus particulièrement à destination de Madrid ou de Paris avant de remplacer progressivement ses Caravelle par le Boeing 727 à partir du milieu des années 1970. Les avantages du 727 - avion le plus vendu au monde à l'époque - par rapport à la Caravelle sont sa capacité à atterrir sur des pistes très courtes - fréquentes dans les anciens aéroports de villes surpeuplées -, mais aussi de se poser en altitude. C'est la raison pour laquelle les grandes compagnies américaines s'étaient entendues pour demander au constructeur un triréacteur susceptible d'atterrir sur les aéroports des villes sud-américaines répondant souvent à cette caractéristique, notamment La Paz (3650 m) en Bolivie. Dans le domaine du vol silencieux, qui permet un supplément appréciable de confort pour les passagers, le Boeing 727 peut largement rivaliser avec la Caravelle, aussi est-il surnommé le « whisperjet » (allusion à sa faculté de permettre aux passagers de s'entendre tout en murmurant).
Diversification de la flotte et nouveaux marchés
En 1968, Royal Air Maroc adhère à l'Association Arabes des Compagnies Aériennes (AACO), émanation de la Ligue Arabe regroupant 22 pays. Cette association a pour but d'unifier la qualité des services des compagnies de cette région du monde et de mettre en commun leur expérience en matière de sécurité. Dans le même temps, Royal air Maroc diversifie ses produits en créant la SOTORAM (SOciété TOuristique de Royal Air Maroc), filiale à 93,74% de la maison mère, dont l'objet est de développer des unités dans les villes touristiques de Marrakech et Agadir et d'exploiter des activités de restauration en vol. Afin de conforter son image de compagnie aérienne à vocation internationale, Royal Air Maroc édite désormais à partir de 1973, comme le font les grandes compagnies européennes et américaines, une publication périodique distribuée à bord de ses appareils : le Royal Air Maroc Magazine. Ce magazine présente la compagnie, informe sur ses vols et ses innovations en s'appuyant sur des pages publicitaires. Simultanément, elle élargit la gamme de sa flotte par l'introduction du Boeing 707, au rayon d'action plus long, et déjà largement en service dans les compagnies européennes Lufthansa et Air France, australienne (Qantas) et nord-américaines (TWA, Pan Am, American Airlines). Ce quadrimoteur emblématique de la firme de Seattle est même, à cette époque, l'avion officiel du président des États-Unis ce qu'il restera jusqu'aux années 1990 au cours desquelles son successeur le Boeing 747 le remplacera dans ce rôle.
Grâce à ses structures et à sa flotte diversifiées et modernisées, Royal Air Maroc peut donc s'ouvrir au transport transcontinental. Si les destinations d'Afrique et du Moyen Orient restent privilégiées, le Canada et les États-Unis s'ajoutent à la liste de ses destinations en 1975. En 1982, la compagnie adhère à l'IATA. Cette association internationale du transport aérien, fondée à Cuba en 1945, vise à unifier les pratiques des compagnies aériennes, notamment en matière de sécurité et de facturation de la billetterie, à réguler leurs rapports et, plus généralement, à échanger des informations intéressant l'aviation civile. Regroupant, aujourd'hui, 230 compagnies, cette association qui fonctionne comme cartel et ayant à présent son siège à Montréal, régit 95% du trafic aérien civil mondial, sous l'autorité de son directeur Giovanni Bisignani - seules quelques compagnies « low cost » n'y adhèrent pas. : c'est cette autorité internationale qui distribue les codes identifiants de 2 lettres aux compagnies aériennes (celui de Royal Air Maroc est « AT ») et de 3 lettres aux aéroports (celui de l'aéroport international Mohammed V de Casablanca est « CMN »).
La rénovation et l'agrandissement de ce dernier aéroport, achevés en 1984, permettent à la compagnie marocaine d'augmenter la fréquence de ses vols et le nombre de ses destinations. Au cours des mêmes années 1980, le Boeing 727 vieillissant est remplacé par le bimoteur moyen-courrier Boeing 757, son successeur direct, aux capacités allant de 220 à 280 passagers selon les différentes versions. Les années 1990 voient apparaître dans la flotte de Royal Air Maroc le Boeing 737 dans ses séries « classiques » 400 et 500. Il s'agit d'une deuxième génération des premiers 737, conçus en 1967, qui se différencie des modèles antérieurs, dotés de 2 réacteurs placés sous les ailes, par une consommation moins importante et des équipements intérieurs plus modernes. Les séries 400 et 500, déjà en service sur de nombreuses compagnies, permettent à Royal Air Maroc d'accroître de manière substantielle la fréquence de ses vols moyen-courriers sur l'Europe mais aussi sur les zones africaines encore insuffisamment desservies à mesure que les aéroports se développent autour des capitales de ce continent.