Histoire de la compagnie Alitalia
Les débuts d'Alitalia
La compagnie aérienne nationale italienne Alitalia est d'une création beaucoup plus récente que celle des compagnies des principaux pays européens. En effet, tandis que dans le sillage de KLM (Pays-Bas) constituée en 1919, Lufthansa (Allemagne), Aeroflot (URSS), Swissair (Suisse) ou Air France naissaient dans l'entre deux guerres, il faut attendre 1946 et la fin du conflit mondial pour que l'Italie se dote d'une compagnie aux capacités comparables à celles de ses voisins européens. Le vol commercial inaugural de la nouvelle compagnie Alitalia officiellement dénommée Alitalia-Linee Aeree Italiane S.p.a est programmé pour le 5 mai 1947. L'appareil qui l'effectue est de conception italienne : un tri-moteur Fiat G 12, dû à l'ingénieur Giuseppe Gabrielli. Ce type d'appareil, susceptible de voler à haute altitude, et conçu à l'origine pour être un avion de ligne, avait fait ses preuves depuis 1940, pendant la guerre et notamment sur le front de Tunisie, dans sa version militaire, le G 12 T. Ce n'est qu'une fois la paix revenue que l'usine Fiat avait repris à son compte sa fabrication dans une nouvelle version civile.
Le premier vol d'Alitalia emmènera donc ses passagers de Turin à Rome et rejoindra Catane en Sicile. Mais la vocation d'Alitalia est de se positionner sur l'international à l'instar de ses concurrentes européennes. Dès 1947, la première ligne internationale d'Alitalia joint Rome à Oslo (Norvège). 9 mois plus tard, Alitalia établit sa première ligne intercontinentale par un périple allant de Milan à Buenos Aires (Argentine) en faisant escale à Rome, Dakar (Sénégal), Natal, Rio de Janeiro et Sao Paulo (Brésil). Le vol durera au total 35 heures.
Des années d'après-guerre aux années 80
La société Alitalia, si elle date bien de l'après-guerre, n'est cependant pas créée ex nihilo. Elle est l'héritière de la Società Area Avio-Linee Italiane (que l'on appelait ALI), société remontant aux années 1920, initiée par Fiat, opérant sur le territoire italien et soutenue depuis la fin du conflit par British European Airways (BEA), qui entre dans son capital à hauteur de 30%. Parallèlement, Trans World Airlines (TWA) apporte son expertise, des fonds et participe activement au rapprochement avec Linee Aeree Italiane (LAI), autre compagnie italienne de second ordre. De ce rapprochement est née Alitalia, nom composé de l'ancienne compagnie ALI et du mot Italia. Ali et Lai finissent même par fusionner en 1957, faisant d'Alitalia l'officielle compagnie nationale italienne, immatriculée « AZ » dans le code international IATA. Il faut attendre 1960 pour qu'Alitalia fête son millionième passager. À cette époque, Alitalia s'équipe de ses premiers jets, des « Caravelle », produites en France par Sud-Aviation et déjà exploitées par la scandinave SAS et, surtout, Air France, mais aussi des Douglas DC 8. À partir de cette décennie 1960, Alitalia s'éloigne progressivement de ses investisseurs britanniques pour être contrôlée par des capitaux exclusivement italiens. À cette époque, Alitalia se situe en troisième position européenne en termes de passagers au kilomètre et est considérée comme une des compagnies les plus florissantes.
Mais la décennie suivante, qui voit l'apparition de la déréglementation aérienne, s'annonce plus difficile pour Alitalia. Une première conséquence de la dite déréglementation consiste en l'arrivée des compagnies « charters » qui louent les appareils aux compagnies existantes au coup par coup, ou pour une période donnée (saisonnière), ou encore une partie des sièges d'une ligne régulière. Ces affrètements d'un nouveau genre, qui permettent la baisse des tarifs, concurrencent directement les compagnies comme Alitalia ou plus généralement les grandes compagnies nationales dont les lourdes infrastructures (agences, personnel, prestations annexes, etc.) constituent un obstacle à la rationalisation des coûts d'exploitation.
De surcroît, à partir des années 80, naissent les compagnies à bas prix dites low cost, dont Ryanair est le prototype. Les différences de tarifs sur les court et moyen-courriers, même si les prestations ne sont pas comparables, deviennent alors telles qu'Alitalia, en perte de vitesse, doit se résoudre à se diversifier pour soutenir sa position sur le marché. Les axes de diversification retenus sont, dans le même esprit que les autres compagnies nationales, le tourisme, les filiales à bas prix et le rachat de petites compagnies au marché plus ciblé. Malheureusement, Alitalia échoue dans ses tentatives d'élargissement de son marché. En particulier, Aermediterranea, filiale créée en 1981 dont 55% du capital appartient en propre à Alitalia et 45% à sa filiale Aero trasporti Italiani (ATI), constituée en 1963 et couvrant les vols domestiques, est un échec. Aermediterranea, qui opère sur les lignes intérieures grâce à l'apport de 7 appareils appartenant à Alitalia, ne trouve pas sa place sur le marché et disparaîtra après absorption par ATI.
Alitalia au début du XXIème siècle
La décision de se recentrer sur son métier d'origine le transport aérien de passagers et le fret est prise par la direction d'Alitalia en 1996. Toutefois, Alitalia crée une filiale à bas coûts : Avianova. Avianova était, en fait, une petite compagnie basée à l'origine en Sardaigne et passée sous le contrôle d'Alitalia qui ne tardera pas à l'incorporer au sein de son « Alitalia Team » comprenant, entre autres, Alitalia Express, autre filiale à bas coût. Dès l'année suivante, Alitalia est contrainte d'absorber Avianova tandis qu'Alitalia Express continue son activité bien que souffrant d'un déficit d'image. Le XXIème siècle voit les plus importantes compagnies (en termes de chiffre d'affaires) tenter des rapprochements afin de parvenir à réaliser des économies d'échelle.
Dans cette perspective, Alitalia se trouve dans une position inconfortable en raison de la stagnation de son chiffre d'affaires, du nombre de passagers transportés qui est pratiquement resté stable entre 1995 et 2000, de son taux d'occupation des sièges autour de 67 69% (qui constitue un bon indice de la stagnation de la compagnie). Dans cette conjoncture peu favorable, les attentats du 11 septembre 2001 ralentissent encore plus l'activité aérienne commerciale et, notamment, le transport de voyageurs. Alitalia est une des compagnies qui a le plus à pâtir de ces événements et l'idée d'un rapprochement avec la hollandaise KLM est envisagée. Après de négociations complexes, Alitalia doit renoncer à ce rapprochement mais la responsabilité de KLM dans l'avortement de l'opération est engagée et Alitalia reçoit un dédommagement conséquent de la compagnie néerlandaise. Cet apport financier ne suffit pas à freiner le déclin d'Alitalia qui souffre de sa taille insuffisante au regard des nécessités du moment et de son partage entre deux « hubs » (plaques tournantes des compagnies aériennes) : Milan Malpensa et Rome Fiumicino. Cette division entre deux pôles est propre à Alitalia qui doit simultanément tenir compte du fait que Milan (et, plus généralement le nord de l'Italie) est la capitale économique du pays et de ce que Rome, outre qu'elle est la capitale politique, possède une forte image de marque pour les touristes.
Autre inconvénient majeur pour Alitalia, la situation géographique de l'Italie, au sud de l'Europe, ne favorise pas les vols transatlantiques car les aéroports de Roissy Charles de Gaulle à Paris, Londres Heathrow en Angleterre, Amsterdam Shiphol en Hollande, voire celui de Francfort surnommé « Fraport » en Allemagne, occupent des positions plus stratégiques sur le continent d'où les touristes et hommes d'affaires peuvent aisément rayonner sur l'ensemble de l'Union Européenne. Par ailleurs, la pression des compagnies low cost, et en particulier de Ryanair, se fait de plus en plus sentir sur le marché italien puisque la compagnie irlandaise à bas prix assure 13% des vols internationaux impliquant un aéroport italien au départ ou à l'arrivée tandis qu'Alitalia ne dépasse plus 20% de ceux-ci. Même sur le marché domestique, Alitalia ne représente plus que 50% des vols, les compagnies intérieures Meridiana, qui avait été fondée dans les années 1960 par l'Aga Khan pour desservir la Sardaigne, ou Air One, autre compagnie italienne mais originaire de Pescara dans les Abruzzes, étant fortement implantées sur le plan local.